Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ravinala971
15 février 2017

RELATIONS ANGLO MALGACHES AU XIX ème siècle

Portrait de Radama par Farland in William Ellis, History of Madagascar, 1838, https://archive.org/details/historyofmadagas02elliiala

La conquête militaire française de Madagascar en 1895 a tendance à faire oublier que cette ile de l’océan Indien a fait l’objet d’une intense rivalité entre Français et Britanniques tout au long du XIXe siècle. De cette compétition entre Européens, un souverain malgache a su tirer profit. Il y a exactement 200 ans, le roi merina, Radama Ier signait un traité avec le roi d’Angleterre. Alors qu’il ne contrôlait que le centre de Madagascar, ce traité de 1817 allait faire de lui le roi de toute l’ile (en théorie).

Madagascar au début du XIXe siècle n’était pas une ile unifiée. Le royaume merina avec pour capitale Antananarivo était certes le plus peuplé mais il ne dominait que le centre de l’ile. Radama qui avait succédé à Andrianampoinimerina en 1810 avait principalement passé son temps à consolider les conquêtes de son père. Une alliance avec la premiere puissance militaire mondiale lui permettrait donc d’assurer une double politique d’invasion de ses voisins et d’indépendance face aux Européens qui témoignaient d’un intérêt grandissant pour l’ile.

Il n’a pas fallu attendre la période de colonisation officielle pour que les Européens s’intéressent à Madagascar et à sa côte orientale en particulier. Ainsi des commerçants français avaient tout au long du XVIIIe siècle multiplié les initiatives depuis l’ile de France (Maurice) et l’ile Bourbon (Réunion). Pendant la même période, du fait de sa position sur la route maritime pour l’Asie, Madagascar était aussi en contact avec la East India Company britannique. Les Européens se livraient aussi au commerce des esclaves et à la piraterie dans la région.

Les guerres napoléoniennes changent cependant la donne. L’ile de France devient britannique en 1810 et retrouve son nom de Maurice. De cet emplacement stratégique dans l’océan indien, le gouverneur de Maurice, Robert Townsend Farquhar, entend suivre les grandes lignes stratégiques typiques de la nouvelle forme d’impérialisme britannique à l’échelle du globe. Le mot d’ordre est double : Madagascar doit s’ouvrir au commerce (britannique) tout en abolissant la traite des esclaves.

Usant de son charisme personnel, Farquhar déploie tout un arsenal diplomatique pour obtenir un traité. Il invite ainsi en 1816 les deux frères de Radama, Ratafika et Rahovy, à lui rendre visite sur l’ile Maurice. La même année, il fait miroiter à Radama une réforme de son armée, un outil qui lui permettra de s’emparer du territoire de ses voisins. L’historien malgache, Raombana (1809-1854), lui-même éduqué à Londres par la London Missionary Society écrira quelques années plus tard des lignes sans ambiguïté : « On lui [Radama] fit bien comprendre que s’il y consentait [à l’abolition de la traite], s’il passait un traité écrit, il deviendrait bientôt […] maitre de tout Madagascar. »

Radama n’est pas en position de faiblesse et il n’hésite pas à rappeler aux Britanniques que s’ils ne fournissent pas leur aide militaire, il commercera avec les Français. Cette première alliance anglo-malgache voit donc le jour en 1817 quand Radama marche avec sa nouvelle armée sur Tamatave, le port principal de l’ile sur sa côte orientale. Le dirigeant de Tamatave reconnait la supériorité de l’armée modernisée de Radama et un envoyé de Farquhar, James Hastie, est envoyé à Antananarivo pour négocier un traité formel entre les monarchies britannique et malgache.

Ce mécanisme d’alliance entre des souverains européen et non-européen est parfaitement illustré en 1817 et un document écrit en sorabe ou arabico-malgache détaille les instructions données par Radama à ses négociateurs. Ce document fournit le côté malgache de la négociation, un aspect qui échappe bien souvent aux historiens désirant reconstruire l’histoire de l’expansion européenne au XIXe siècle. À travers ce texte en arabico-malgache, se lit tout le jeu diplomatique effectué par Radama. On est bien loin de l’image du souverain passif face aux avancées européennes et il est même légitime de s’interroger comment d’autres négociations ont pu se produire en Afrique tant le jeu diplomatique et géopolitique n’est jamais entièrement dans les mains des Européens.

Ce traité de 1817 est un tournant pour Madagascar à plus d’un titre. Il montre comment un souverain non-européen peut faire partie d’un jeu diplomatique à l’échelle de l’océan Indien voire à l’échelle mondiale. Radama, lui-même devient « roi de Madagascar » ; il n’est peut-être pas le premier à recevoir ce titre mais il est le tout premier à disposer à la fois des moyens militaires et de la reconnaissance légale internationale pour faire valoir ce titre.

Pour en savoir plus sur ce traité :

Munthe, Ludvig, Simon Ayache, and Charles Ravoajanahary, ‘Radama I et les Anglais : les négociations de 1817 d’aprés les sources malgaches (“Sorabe” inédits)’, Omaly sy Anio, 3–4 (1976), 9–104

anglo

Publicité
Publicité
Commentaires
ravinala971
Publicité
Archives
Publicité